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Chroniques
Guillaume Kosmicki
Musiques électroniques – Des avant-gardes aux dance floors
De la fin du XIXe siècle (premiers sons gravés) au milieu du suivant (essor de l'informatique), les avancées technologiques ont révolutionné notre art de l'écoute. Les musiques électroniques voient en effet le jour, que Guillaume Kosmicki définit comme « reposant sur des sons d'origine acoustique ou de synthèse sonore, traités (réverbération, filtrage, transposition, etc.) puis enregistrés sous forme d'un signal analogique ou numérique (ou enregistrés puis traités), et destinés à être amplifiés puis retransmis par le biais de haut-parleurs ».
L'auteur suit les étapes d'une aventure d'abord liées aux sciences. L'une des premières est le brevet du Phonographe déposé en 1878 par Thomas Edison – pour qui la conservation de la musique n'est pas une priorité. Moins de dix ans plus tard, le Gramophone d'Émile Berliner rejette le cylindre au profit du disque. Puis apparaissent le premier instrument électrique (autour de 1905), l'enregistrement avec micro – dont certains chanteurs de variété sauront tirer partie –, le support magnétique puis numérique.
Toutes ces découvertes permettent désormais artifices (trucage d'une voix lyrique, résonnance d'une cloche dépourvue d'attaque, invention ircamienne d'un gong d'un kilomètre de diamètre, etc.) et créations. Après la conquête du timbre et de la dissonance par les romantiques, les compositeurs vont fouiller plus avant la matière sonore, que se soit Varèse avec le Theremin Vox, Cage avec deux tourne-disques, Stockhausen avec un hélicoptère, etc.
Entamées sur les dissensions musique concret / elektonische musik, les années cinquante permettent à la musique populaire de conquérir l'électro-acoustique. La seconde partie du livre évoque ces courants aux différences de plus en plus subtiles – jazz fusion, krautrock, gansta rap, cold wave, acid house, downtempo, dubstep, etc. –, intégrant guitares saturées, scratches et synthés. Ici comme souvent, économie et sociologie éclairent les émergences artistiques.
Félicitons l'auteur (spécialiste du phénomène techno et de sesfree parties qui dérangent…) pour cette traversée passionnante et lucide d'un siècle qu'enrichissent aussi bien Reich et Ligeti que stars de la Motown et DJ de Jamaïque. La formule est souvent galvaudée, mais pour qui souhaite un panorama exhaustif des avant-gardes aux dance floors, richement illustré, son ouvrage est indispensable.
LB